Un achat en viager ou en nue-propriété permet de se constituer un patrimoine à moindre coût avec une belle plus-value à la clé. Des opérations qui nécessitent un accompagnement et une bonne dose de patience.
Prix encore élevés de l’immobilier d’habitation, difficultés d’obtention d’un crédit, allongement de la durée de la vie, inquiétude sur les pensions de retraite... Autant de raisons pour sortir des sentiers battus de l’investissement et regarder du côté du démembrement de propriété. Encore méconnu, puisqu’il ne se réalise qu’environ 5 000 opérations par an de ventes en viager et en nue-propriété, soit 0,5% des transactions, le démembrement affiche toutefois une croissance annuelle de 6% depuis une dizaine d’années.
Décote avantageuse
« Le viager ne devrait pas faiblir, car les vendeurs âgés veulent à tout prix rester chez eux, observe Stanley Nahon, directeur général de Renée Costes Viager et Nue-Propriété. Ils ont besoin d’argent pour entretenir leur logement, effectuer des donations ou simplement, par le biais de la rente viagère, percevoir des revenus complémentaires pour vivre, ou mieux vivre. » Ces occupants recherchent donc quelqu’un pour acheter la nue-propriété de leur bien - les murs -, tout en conservant le droit d’occupation ou de jouissance. En contrepartie de son impossibilité de profiter du bien et de l’absence de revenus tout au long de cette période, l’investisseur bénéficie d’une décote de son achat par rapport au prix qu’il aurait payé en pleine propriété. Mais au-delà de ce socle commun de similitudes, les opérations en viager et en nue-propriété affichent des spécificités pour le calcul de la décote.
Le viager repose sur l’aléa du temps de vie du vendeur : « Dans la version où le logement est occupé par le senior, l’acquéreur réalise une forme d’investissement locatif à l’avers, dit Sophie Richard, fondatrice du réseau Viagimmo. Il est propriétaire du bien habité mais ne perçoit pas de loyers pour autant. Il bénéficie d’un loyer théorique sous forme d’une décote d’occupation sur la valeur vénale du bien. « Cette décote dépend de l’âge du vendeur et donc de son espérance de vie, de son sexe, du fait qu’il vive seul ou en couple - plus le vendeur est âgé, moins la décote est importante. Etablies par les assureurs, les tables d’espérance de vie sont mises à jour très régulièrement et tiennent compte de l’allongement de vie.
Paiements à calculer
Ainsi, en achetant un bien estimé à 300 000 euros en valeur vénale, occupé par une femme de 74 ans dont l’espérance de vie est de dix-sept ans, l’investisseur bénéficie d’une décote de 50,3 %,soit une valeur occupée de 149 100 euros. Ce montant peut être réglé par un bouquet seul, un bouquet et une rente mensuelle, ou une rente seule. Toutes les combinaisons sont possibles mais le plus souvent, le bouquet représente 20 à 30 % du prix, versé comptant le jour de la vente. La rente est versée jusqu’au décès du vendeur, d’où le caractère aléatoire du contrat. En cas de viager à deux têtes, avec deux conjoints propriétaires, la réversion de la rente court jusqu’au dernier décès.
Dans notre exemple, le paiement se décompose en un bouquet de 50 000 euros et d’une rente fixée mensuellement à 553 euros. Si l’on tient compte des frais d’acte notarié, calculés sur la valeur occupée se chiffrant à 13 600 euros, et sur une rente revalorisée à 1 % par an, le coût total de l’achat, sur dix-sept ans, revient à 185 904 euros. Si l’occupante décède avant, par exemple bout de huit ans, ce coût est réduit à 125 769 euros. Si elle meurt après vingt-deux ans, le coût s’élèvera à 225 993 euros. Attention aux périodes d’inflation : l’indexation de la rente se faisant sur les prix à la consommation, cela peut l’alourdir et renchérir l’opération. « Pour un investisseur qui a déjà un endettement, la rente via gère offre un échelonnement de paiement dans le temps et lui permet de se constituer un patrimoine », confie Sophie Richard.
Démembrement sécurisé
Côté nue-propriété, la formule plus répandue et la plus attractive est celle avec usufruit temporaire : il n’y a pas d’aléa, puisque le terme est connu d’avance, entre dix et vingt ans le plus souvent. « Le paiement est comptant, avec une décote qui correspond à la non-jouissance du bien et à l'absence de revenus locatifs, décrit Stanley Nahon. Elle évolue entre 25 et 50%, la décote augmentant avec la durée de l’engagement. » « Pour un investisseur, la nue-propriété avec usufruit temporaire donne une visibilité pour se projeter et acheter un bien de qualité tout en bénéficiant d’un prix plus attractif », souligne Vincent Illouz, responsable Nue-Propriété & Viager chez Daniel Féau.
Par exemple, un bel appartement à Paris avec terrasse en dernier étage et vue sur les Invalides, disposant dans l’immeuble d’un autre appartement pour le personnel, a été vendu 4,2 millions d’euros au lieu de 6 millions, sous réserve d’un usufruit temporaire de huit ans pour un bien occupé par un septuagénaire. Mais parfois, l’usufruitier veut rester au-delà de la période prévue. Monetivia, société spécialisée en ingénierie patrimoniale, propose un démembrement « dé-risqué » :
« Dès la signature chez le notaire, une assurance payée par le vendeur prévoit qu’en cas d’usufruit prolongé, il restera dans les lieux mais versera une rente mensuelle à l’investisseur via l’assurance art qu’il occupe le bien », expliqué Amaury de Calonne, président et cofondateur de Monetiva.
La décote reste le principal atout de ce type de placement, qui attire différents profils : des jeunes locataires n'ayant pas besoin de revenus et qui se projettent sur le logement de leur rêve mais à très long terme, des expatriés qui envisagent leur retour dans un futur éloigné ou des investisseurs CSP+ qui veulent diversifier leur patrimoine... Tout en profitant de multiples avantages : pas de recherche de locataire, pas de risques d’impayés de loyers, pas de turn over, pas de gestion locative ni de souci quant au diagnostic de performance énergétique.
Côté travaux, il n’y a pas non plus de contraintes d’entretien, même si l’on sait qu’un senior ne va pas forcément s’activer sur les menus travaux, ni changer son papier peint défraîchi. Toutefois, restent à charge de l’investisseur les travaux relevant de la structure et de l’étanchéité. Quant à la fiscalité, il n’y a pas d’impôt sur le revenu supplémentaire puisqu’il n’y a pas de revenus locatifs. En matière d’IFI (impôt sur la fortune immobilière), pendant toute la période de démembrement, le bien n’a pas à figurer dans la déclaration. En nue-propriété, attention à la plus-value de la revente : « Elle est calculée par différence entre le prix de vente et la valeur de la pleine propriété à sa date d’entrée dans le patrimoine du vendeur et non sur le prix payé décoté », précise Stanley Mahon.
Optimiser la plus-value
Tant que les trente ans ne seront pas atteints, la plus-value, même amoindrie, ne sera pas exonérée. Et cela peut valoir la peine d’attendre, sachant que le prix à la revente peut être multiplié par deux ! II faut donc être très vigilant lors de l’achat : « Evaluer l’emplacement et l’environnement tout comme la qualité du bien sont indispensables en démembrement, dans la mesure où, avec décote ou pas, le bien reste immobilier, souligne Céline Dargent, commissaire aux comptes chez Sadec Akelys. Surtout, il ne faut pas hésiter à investir dans plusieurs biens pour mutualiser les risques. » Le choix existe en province, dans les villes moyennes ou les métropoles, en Ile-de-France ou en bord de mer. Pour l’acquéreur, cet investissement fait rimer tranquillité et bienveillance vis-à-vis de ses aînés.
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