INTERVIEW - A Paris, les ventes de bien haut de gamme explosent et les prix restent perchés. L’analyse du plus grand spécialiste de l’immobilier de luxe parisien, Charles-Marie Jottras, président de Daniel Féau Conseil Immobilier.
Mort le marché de l’immobilier à Paris ? Pas du tout : il bat même des records… pour les biens haut de gamme. Les transactions explosent et les prix restent perchés. L’analyse du plus grand spécialiste de l’immobilier de luxe parisien, Charles-Marie Jottras, président de Daniel Féau Conseil Immobilier, n°1 historique sur ce segment très convoité des très beaux appartements et des très belles maisons de ville.
Challenges - Votre groupe, Daniel Féau Conseil immobilier, est spécialisé dans les transactions immobilières haut de gamme sur le marché parisien, comment a-t-il traversé ces douze derniers mois, marqués par les confinements et la crise sanitaire ?
Charles-Marie Jottras - Le groupe Féau est spécialisé dans la vente de beaux appartements avec terrasse ou jardin, d’hôtels particuliers des villas privées du 16e arrondissement ou des belles maisons de Neuilly, Boulogne, Saint-Cloud, Saint-Germain-en-Laye ou Versailles. Sur ce marché, nous représentons entre 25 et 30% du marché des ventes au-delà du million, et autour de 45% pour les ventes au-delà de 4 millions. Et sur ces segments, nous avons connu, comme tous les acteurs français qui dépendaient beaucoup de la présence d’étrangers, un recul en 2020. Mais si on fait abstraction de cette année 2020, exceptionnelle par l’impact de la crise sanitaire, et que l’on prend comme référence 2019, une année "normale", on voit que ce premier semestre 2021 est à tous égards marqué par un retour massif des acheteurs et un nombre de transactions qui explose.
Premier exemple de transactions récentes : une maison à Neuilly, de 400 mètres carrés, avec des travaux à faire et un jardin. Elle a été vendue autour de 7 millions d’euros, par des Français à des Français.
Justement, quels sont les chiffres ?
Sur le marché des biens inféreurs à 3 millions, nous observons une hausse - presque modeste - de 15% des volumes de transactions par rapport à la référence 2019 (qui était une très bonne année). Je dis presque modeste parce que nous avons été surpris par le comportement du marché d’au-dessus, c’est-à-dire celui des biens de plus de 3 millions d’euros, où nous observons une hausse de… 150%, c’est-à-dire plus qu’un doublement, des transactions.
La transaction la plus importante de l’année à Paris : la vente, pour environ 35 millions d’euros, d’un ensemble immobilier (maison de ville et maison de campagne avec 950 m² de jardin), coincé entre deux autres bâtiments et en très mauvais état, au début du boulevard Oudinot. Le vendeur est un néerlandais et l’acheteur… un Français
Jusqu’alors, les étrangers étaient ceux qui achetaient le très haut de gamme, qui sont donc les acheteurs actuels ?
Nous n’avons plus vu de Chinois sur le marché. Et très peu d’Américains. Nous avons eu quelques clients du Moyen-Orient, mais plutôt des Libanais qui compte tenu de la situation dans leur pays, cherchaient à mettre à l’abri leur famille. Mais nous avons surtout vu des Français, de France ou de l’étranger. Et beaucoup de salariés français qui travaillaient à l’étranger et qui sont revenus en France. Cette pression fait que les prix ne baissent pas…
Troisième exemple de bien récemment vendu par Féau, cette propriété à Auteuil, dont il n'est possible de voir que le jardin... Elle offre 400 m2 habitables et a été vendue autour de 7 millions d’euros, par des Français à des Français
Mais les Français n’ont pas toujours les moyens des acheteurs étrangers. Qu’ont-ils acheté ?
Généralement les Français aisés cherchent ce qu’on appelle des appartements bourgeois dans les beaux quartiers. Cela correspond à un appartement familial de 140 m² et 3 chambres. Traditionnellement, pour chacun de ces appartements qu’on reçoit en mandat de vente, on a plusieurs centaines d’acheteurs intéressés dans nos fichiers. Et le bien part en quelques heures, ou au pire en un week-end. Mais cette fois, la demande a été moins forte sur ce genre de biens. Les Franciliens aisés veulent de la verdure. Et cherchent plutôt des maisons avec jardins. A Paris s’ils en ont les moyens, sinon, dans les communes chics de l’Ouest parisien. On voit bien qu’à la pierre "valeur refuge", s’est ajouté un autre phénomène : la pierre "valeur de jouissance au quotidien". Ces acheteurs qui ont les moyens ont acheté non pas parce que leur famille évoluait ou pour mettre leur argent à l’abri, mais pour bénéficier de surfaces extérieures − terrasses, jardins − et/ou d’éléments de confort supplémentaires. Sur ce type de biens, les prix sont en forte hausse : indéniablement, il y a eu un effet confinement !
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